IMPERIA 1905-1958
Nessonvaux (Liège)
Parmi les grandes marques belges, IMPERIA occupe sans conteste une place particulière avec une activité de constructeur automobile d’un demi siècle et une présence significative en compétition, tant en Belgique qu’à l’étranger.
1. Période 1905 à 1914
Automobiles IMPERIA Liège-Nessonvaux (PIEDBOEUF – IMPERIA)
Adrien G. PIEDBOEUF fut le fondateur de la marque. Il commença sa carrière à Aix-la-Chapelle où il exploitait une agence de la marque belge METALLURGIQUE. On lui doit l’écusson de la marque IMPERIA, couronne rappelant Aix-la-Chapelle et l’Empire de Charlemagne.
Les premières IMPERIA seront construites à partir de 1905 dans les Ateliers PIEDBOEUF à Liège, suivant la conception de l’ingénieur allemand Paul HENZE. Il s’agissait d’un moteur de 4 cyl. de 4,9 litres de cylindrée et d’une puissance de 20/30 cv. avec magnéto à basse tension, allumage par bobine, boite 4 vitesses et entraînement par arbre ou par chaîne latérale. Avec le rachat en 1908 des Usines PIEPER de Nessonvaux, IMPERIA déplace le siège de ses activités de Liège vers la région verviétoise.
Suit alors la mise en production d’une 3 litres de cylindrée à entraînement par arbre et, en 1909, d’un 4 cyl. de 1767 cc. coulé d’un bloc, sans oublier l’imposant 9,9 l. de 50/60 cv. à entraînement par chaîne, modèle inspiré de la KAISERPREIS. En 1912 intervient la fusion d’IMPERIA et de SPRINGUEL, Jules SPRINGUEL prenant alors la direction de l’association. Son nom disparaîtra assez rapidement de la marque qui produira sous le nom d’IMPERIA des modèles SPRINGUEL avec soupapes d’admission situées au dessus des soupapes d’échappement. A l’aube de la Grande Guerre, IMPERIA offrait à sa clientèle une gamme étendue et soignée de 4 cyl. à soupapes latérales de 1,8 I., 2,6 I., 3,6 l. et 5 litres de cylindrée.
Mais l’histoire de la firme IMPERIA serait incomplète si nous n’évoquions pas ses liens avec Francisco ABADAL, agent d’HISPANO-SUIZA à Madrid puis à Barcelone qui, à partir de 1912, se lança dans la construction de voitures portant son nom et dont les blocs-moteurs et les châssis provenaient – selon toute vraisemblance – des Usines IMPERIA.
De 1907 à 1913 IMPERIA participera à de nombreuses épreuves sportives, tant en Belgique qu’à l’étranger.
Ses succès contribuèrent à asseoir la notoriété de la marque d’autant qu’il s’agissait le plus souvent de voitures de série utilisant des carrosseries allégées. Parmi les multiples participations d’IMPERIA en course, retenons notamment :
– en 1907 au Circuit des Ardennes où trois voitures sont inscrites dans la formule “KAISERPREIS”;
– en 1908 sa participation au Meeting d’Ostende et au meeting de Spa ou elle s’octroie la victoire dans sa catégorie avec une 1764 cc. ;
– en 1909 à la Coupe de la Meuse où elle remporte la catégorie “tourisme” et “voitures fermées”, à la Semaine d’Ostende et à la Coupe d’Ostende qu’elle remporte également ;
– en 1910 où elle s’adjuge les deux premières places de la course de côte de BETHANE (région mosane) en catégorie “voitures fermées”, participe à la Semaine d’Ostende et se distingue sur la piste des BROOKLANDS en atteignant la vitesse de 144 km/h. ;
– en 1913 où les SPRINGUEL-IMPERIA s’octroient les trois premières places de la Course de Huy, et remportent la Semaine d’Ostende et le Meeting de Spa.
Un tel palmarès sportif plaçait la marque de Nessonvaux parmi les meilleures voitures de l’époque.
2. Période de 1918 à 1929
Automobiles IMPERIA S.A., Anc. Ets. SPRINGUEL, Huy, Mathieu VAN ROGGEN, Nessonvaux
Pendant la période de guerre, la firme n’eut aucune activité. La paix revenue, c’est un nouveau patron qui allait prendre en mains les destinées des marbreries de Sprimont, VAN ROGGEN possédait depuis 1914 la marque automobile ATA (Usines TEXEIRA) qui s’intégra dans le groupe IMPERIA. Il rachète alors le brevet de fabrication de la marque espagnole ABADAL et propose dès 1919 une type E de 3 litres et une type T de 3,6 1 de cylindrée, laquelle sera produite en série limitée jusqu’en 1922.
L’IMPERIA-ABDAL de 8 cylindres et 6 litres de cylindrée restera au stade de prototype, tout comme l’éphémère, bien que prometteur, modèle sport de 4 cylindres et 3 litres de cylindrée avec arbre à cames en tête et 16 soupapes.
Les IMPERIA-ABADAL qui ressemblaient à l’HISPANO-SUIZA, adoptèrent alors un élégant radiateur en coupe-vent qui équipera ensuite toutes les IMPERIA. Trois IMPERIA-ABADAL furent préparées pour le Grand Prix de Belgique organisé à Spa-Francorchamps en 1922 par le RACB. Une seule terminera, celle conduite par de TORNACO qui remporta l’épreuve en couvrant les 600 km à 89 km/h de moyenne.
Mais la direction d’IMPERIA estimait plus rentable de développer la construction de véhicules plus économiques et de plus grande diffusion. Elle chargea alors l’ingénieur COUCHARD – ancien chef des services d’études de la F.N. – de préparer un tout nouveau modèle dont l’originalité de la mécanique allait surprendre les constructeurs de l’époque.
Cette nouvelle petite IMPERIA qui sera baptisée à ses débuts ” Impéria – Tili ” était équipée d’un nouveau moteur sans soupape dont la distribution originale était assurée pour chaque cylindre par deux tiroirs coulissant dans des gorges taillées dans l’alésage du cylindre et commandés chacun par un arbre à cames, les cames assurant tant l’ouverture que la fermeture des tiroirs. En outre, l’admission et l’échappement des gaz se faisant de part et d’autre du bloc cylindre, la culasse se résumait en un simple couvercle dans lequel la bougie se trouvait dans l’axe du cylindre, c’est-à-dire dans la position la plus favorable à une bonne combustion. La valeur de la solution s’exprime dans une puissance de 27 cv/litre, à une époque où les valeurs de l’ordre de 20 cv/litre étaient considérées comme êlevées.
Le système COUCHARD, très différent du sans soupape de type KNIGHT à double fourreau commandé par deux arbres excentriques – adopté par les marques PANHARD-LEVASSOR, MINERVA, DAIMLER et VOISIN – avait l’avantage d’être d’un coût de construction beaucoup moins élevé et par conséquent mieux adapté à une petite voiture. Ce moteur 4 cylindres de 1100 cc. capable de tourner plus vite que ses concurrents – ce que n’autorisait pas un moteur traditionnel à soupapes – avait donc un rendement exceptionnel et ses performances amenèrent VAN ROGGEN à le faire participer à de multiples compétitions.
Ce seront les 200 miles de BROOKLANDS où elle dépassera les 130 km/h, les journées des records de OOSTMALLE où elle s’attribuera deux records belges du kilomètre en 1100 cc., le rallye de MONTE-CARLO de 1925 dont elle remportera les trois premières places, rééditant l’exploit au Grand Prix de Belgique de Spa – Francorchamps la même année.
Produite à plus de 1100 exemplaires de 1925 à 1927, la petite sans soupape évoluera entre 1927 et 1929, suivant la même technique, avec un six cylindres de 1650 cc. puis de 1800 ce. encore plus performant. Le moteur n’était pas la seule particularité de cette petite IMPERIA sans soupape qui se signalait aussi par l’excellence de ses freins assistés par le servofrein IMPERIA, la précision de la direction et son comportement routier.
En 1929, les bons résultats financiers de l’entreprise poussent VAN ROGGEN à se rapprocher des marchés étrangers.
C’est ainsi que des accords furent passés en France avec les Ateliers VOISIN – lesquels carrosseront dans un style très particulier quelques 6 cylindres IMPERIA – et en Angleterre avec l’usine G.W.K. Ces tentatives demeurèrent cependant sans suite pratique pour l’entreprise, même si les sociétés VOISIN et IMPERIA avaient souscrit des participations financières croisées et comptaient des représentants aux Conseils d’Administration de ces sociétés.
3. Période de 1929 à 1940
S.A. des Automobiles IMPERIA-EXCELSIOR et Groupe MINERVA-IMPERIA
Mathieu VAN ROGGEN – à l’image de la GENERAL MOTORS aux Etats-Unis – tente alors de regrouper l’industrie automobile belge pour faire face à l’importation massive des voitures américaines. IMPERIA rachète ainsi les firmes EXCELSIOR, NAGANT et l’usine de METALLURGIQUE – dont il démontera l’outillage pour renforcer celui de NESSONVAUX avant de revendre le bâtiment à MINERVA – ainsi que les Ateliers de Carrosserie MATTHYS Frères et OSY. Ces derniers qui avaient réalisé de belles carrosseries sport sur châssis IMPERIA étaient restés le carrossier attitré de la marque.
Cependant, l’arrivée de la grande crise plongera IMPERIA dans de graves difficultés financières, l’empêchant de mettre à l’étude de nouveaux modèles. Les types N-4 et N-6 sans soupape ne sont, en 1933, qu’une pâle évolution des modèles précédents bien qu’équipés cette fois d’un freinage hydraulique. Fin 1933 IMPERIA sauve encore la situation en négociant avec l’usine allemande ADLER de Francfort la construction sous licence de ses modèles TRUMPF à traction avant dessinés par l’ingénieur ROHR. IMPERIA importait alors les moteurs et transmissions, mais construisait les châssis, suspensions et carrosseries.
En 1935, Mathieu VAN ROGGEN rachète ce qui subsiste de MINERVA après la retentissante faillite de la marque en 1934 pour fonder, par fusion ou absorption, le Groupe MINERVA-IMPERIA qui subsistera jusqu’en 1940. Avec cette fusion disparaissait la dernière compagnie belge produisant encore des voitures particulières ainsi que les gros moteurs sans soupape fabriqués à Anvers par MINERVA.
De la production sous licence ADLER sortiront des usines de Nessonvaux un assez grand nombre de véhicules dont différents modèles méritent d’être mis en évidence.
Il s’agit notamment
– des IMPERIA 9/40 HP type ALBATROS et DIANE (TA-9), conduites intérieures équipées d’un 4 cyl. de 1645 cc. (74,25 x 95) ainsi que de l’IMPERIA SPORT;
– de l’IMPERIA TA-7 à deux portes, découvrable, type HIRONDELLE, disposant d’un 4 cyl. de 995 cc. développant 25 cv, au frein ;
– de l’IMPERIA TA-11 type JUPITER équipée d’un 4 cyl. de 1912 cc. développant 50 cv. au frein.
IMPERIA engagera régulièrement ses versions sport dans des épreuves belges telles celles de Francorchamps en 1934, 1936 et 1938 où ses voitures remporteront la Coupe du Roi. Avec la fusion MINERVA-IMPERIA apparaîtra un V8 transversal de 3,6 l, à traction avant qui ne jouera cependant aucun rôle dans les compétitions sportives. Nous ne saurions passer sous silence les travaux particulièrement intéressants poursuivis à partir de 1936 par MM, ROBIN et VAN ROGGEN pour mise au point d’un transformateur de vitesse continu et automatique dont seront équipés entre 1936 et 1939 les gros 8 cyl. de la marque.
Avec l’arrivée du conflit mondial de 1940, VAN ROGGEN cède l’usine de Nessonvaux au groupe lainier verviétois GERARD-HAUZEUR qui, sous la pression de l’Allemagne nazie, avait contribué au troc et à l’échange des mécaniques ADLER contre les textiles verviétois. Il conservera cependant l’usine MINERVA de Mortsel qui sera occupée par les troupes allemandes de 1940 à 1944 puis par les troupes anglaises de 1944 à 1947.
Dans les premiers mois du conflit mondial, l’usine de Nessonvaux livrera encore, avec l’autorisation de l’occupant allemand, quelques TA-7 et TA-1 1 à des particuliers à condition que ces véhicules soient équipés d’un gazogène ou de bonbonnes de gaz comprimé, mais la production cessera très rapidement lorsque l’armée allemande occupera l’usine et décidera de transférer les stocks de pièces en Allemagne. Ainsi durant la période de guerre, l’usine de Nessonvaux dut elle assurer la maintenance et la remise en état des camions et autocars de l’armée allemande, sous la direction de l’ingénieur MULLER nommé par l’occupant.
4. La période postérieure à la seconde guerre mondiale
Le secteur automobile ADLER ayant disparu au cours de la guerre, IMPERIA – d’abord mis sous séquestre – reprendra sa production par l’assemblage de quelques 800 châssis équipés alors du groupe moto propulseur HOTCHKISS de 1340 cc. et 45 cv. au frein. La TA-8 traction avant était une synthèse des modèles ADLER et AMILCAR d’avant-guerre. IMPERIA produira également de 1947 à 1949 quelques petites sport deux places.
Entre-temps la direction d’IMPERIA qui avait envisage de négocier avec VW le montage des “Coccinelles” en Belgique, préféra passer un accord avec la firme anglaise STANDARD-TRIUMPH. Des 1946 elle emportera le modèle STANDARD-TRIUMPH de 2088 cc., avant d’en assurer le montage dans l’usine de Nessonvaux à partir de 1948, produisant également les sportives TRIUMPH TR 2. En 1950 pas moins de 300 VANGUARD sortaient mensuellement de la chaîne de montage belge qui produira également quelques exemplaires originaux – mais peu élégants – de cabriolets sur châssis VANGUARD.
A cette époque, IMPERIA assure également le montage des motos ADLER, des voitures ALFA-ROMEO (la 1900 cc. 4 portes) et des camions BÜSSING, produisant également un grand nombre de machines outils.
Lorsqu’en 1958 STANDARD-TRIUMPH décide de monter directement ses voitures dans sa nouvelle usine de Malines, IMPERIA abandonne toute participation dans le secteur automobile. Après un demi siècle d’activité, IMPERIA ferme définitivement ses portes en 1958 et sera mise en liquidation.